vendredi 21 janvier 2011

Le Canada n'est pas l'ami d'Haïti


Un des avocats les plus connus de Port-au-Prince dénonce l'appui canadien au «simulacre» d'élection qu'a connu son pays

Brian Myles   21 janvier 2011  Amérique Latine
Le retour de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, cette semaine, est venu détourner l'attention du public des véritables enjeux que sont le simulacre d'élection et la reconstruction, déplore Mario Joseph.<br />
Photo : Agence Reuters Swoan Parker
Le retour de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, cette semaine, est venu détourner l'attention du public des véritables enjeux que sont le simulacre d'élection et la reconstruction, déplore Mario Joseph.
Le Canada n'est pas l'ami d'Haïti en raison de son appui au «simulacre» d'élection qui a vu le dauphin de René Préval émerger vainqueur au premier tour. 


C'est en des termes très durs que Mario Joseph, l'un des avocats les plus connus en Haïti, qualifie la politique étrangère menée par le Canada dans son pays. «Le Canada comprend les valeurs démocratiques, mais pourquoi soutient-il un gouvernement qui ne respecte pas la Constitution? s'interroge-t-il. René Préval, c'est à son avantage de faire les élections avec une liste étriquée, pour mettre son beau-fils au pouvoir. Et la communauté internationale marche tête baissée dans cette entreprise. C'est une impasse totale.»



Mario Joseph est de passage à Montréal, aujourd'hui, pour rencontrer la diaspora haïtienne et bâtir des ponts «avec le peuple canadien», dans l'espoir de sortir Haïti de sa misère. La première chose à faire, c'est de reprendre les élections à zéro, dit-il en entrevue. «Il y a trop de fraudes, trop d'irrégularités.»



Directeur du Bureau des avocats internationaux (BIA), à Port-au-Prince, Me Joseph est l'un des plus farouches détracteurs de la reconstruction et du régime Préval. Un an après le séisme qui a fait plus de 300 000 morts, quelque 1,5 million d'Haïtiens vivent entassés dans les camps de réfugiés, dans des conditions dramatiques, sans eau, ni électricité, ni eau potable.



Les femmes et les enfants sont les proies des violeurs. En moyenne, Me Joseph rencontre deux nouvelles victimes de viol par jour au BIA. La semaine dernière, il a participé à l'inauguration d'un projet-pilote dans les camps de réfugiés: les femmes se promèneront désormais avec un sifflet afin d'être en mesure d'appeler à l'aide en cas d'agression... 



Le retour des ex



Le retour de l'ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, cette semaine, est venu détourner l'attention du public des véritables enjeux que sont le simulacre d'élection et la reconstruction, déplore Mario Joseph.



À son avis, le retour de Duvalier est un coup monté de Préval. Joseph, dont la famille a subi la répression des tontons macoutes, souhaite que Bébé Doc soit jugé pour ses crimes. Il exhorte les exilés du régime Duvalier qui vivent au Québec à se manifester. «Il faut faire rupture avec l'impunité. Il faut porter plainte et aller témoigner», dit-il.



Mario Joseph se montre beaucoup plus souple avec l'ex-président Jean-Bertrand Aristide, dont il défend le retour au pays. «La Constitution stipule qu'aucun Haïtien ne peut être forcé de vivre en exil», explique-t-il. À ses yeux, cela vaut autant pour Duvalier que pour Aristide. «S'ils ont commis des crimes, eh bien, qu'ils soient jugés. Mais je ne me rappelle pas qu'il y ait eu des plaintes contre Aristide», dit-il.



Trois jours après le retour de Duvalier, Jean-Bertrand Aristide a indiqué qu'il était prêt, lui aussi, à rentrer au pays. Chassé du pouvoir à la faveur d'un soulèvement et des pressions du couple franco-américain, Aristide vit en Afrique du Sud depuis 2004. «Il a droit au retour. Et s'il a un problème avec la justice, qu'il soit jugé», martèle Mario Joseph.

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