"Le CEP n'est pas lié par les recommandations des dits experts. Cependant, l'Institution électorale tiendra certainement compte de ces recommandations. Dans quelle mesure ? En tout ou en partie ? Il ne sera possible de statuer qu'après analyse. De toute manière, il serait souhaitable que le rapport apporte aux responsables du CEP l'éclairage nécessaire pour identifier d'éventuelles failles du système, des erreurs et/ou, le cas échéant, des malversations qui auraient échappé à ceux qui n'y sont pas impliqués et dont la vigilance aurait été trompée. Les conséquences en seront tirées", selon la conseillère électorale Mme Ginette Chérubin.
Haïti: LN- Est-ce que le CEP a reçu le rapport de la Commission de Vérification de l'OEA ?
GC- Le CEP doit recevoir incessamment ce rapport.
LN - Est-ce que cette mission a, selon les termes de référence, des prérogatives lui permettant de recommander un nouveau classement en fonction des données (PV) étudiées, analysées, rejetées et ou invalidées ?
Non. Le mandat de la Commission dite de vérification de l'OEA est :d'une part, d'évaluer les pratiques et procédures de tabulation des votes appliquées, lors des élections présidentielles du 28 novembre 2010, par le Service du CEP ayant cette attribution ; d'autre part, de produire des recommandations, suite aux observations des experts. Une seconde mission apportera une assistance technique à la phase contentieuse du processus.
LN- Le CEP a-t-il une réaction ? Si oui, est-ce qu'il est tenu par les recommandations, notamment le classement fait par la mission de l'OEA ?
GC- Le CEP n'aura de réaction qu'après analyse du rapport des experts.
Non, le CEP n'est pas lié par les recommandations desdits experts. Cependant, l'Institution électorale tiendra certainement compte de ces recommandations. Dans quelle mesure ? En tout ou en partie ? Il ne sera possible de statuer qu'après analyse. De toute manière, il serait souhaitable que le rapport apporte aux responsables du CEP l'éclairage nécessaire pour identifier d'éventuelles failles du système, des erreurs, (et) ou, le cas échéant, des malversations qui auraient échappé à ceux qui n'y sont pas impliqués et dont la vigilance aurait été trompée. Les conséquences en seront tirées.
LN- En bloc, la communauté internationale souhaite que l'on respecte les recommandations faites par cette commission. Est-ce que le CEP est sous pression, est-ce qu'il n'a d'autres choix que d'entériner les conclusions de la commission de l'OEA ?
GC- A date, à ma connaissance, aucune pression n'a été exercée sur le CEP (en tout cas, pas encore !). Je dirai personnellement que le CEP est « sous la pression de trouver une réponse adéquate » qui lui permette d'accomplir sa mission dans le meilleur des délais.
Cependant, quelques organes de presse ont eu à relayer - nous les avons tous entendus - des messages à peine voilés de quelques-uns des partenaires étrangers du CEP. Certains d'entre eux sont même très provocateurs et portent en eux de forts relents de néo-colonialisme. Il convient de rappeler, une fois pour toutes, à ceux qui affichent pareille attitude, qu'en dépit de notre interminable descente aux enfers à laquelle plusieurs d'entre eux n'ont pas manqué de contribuer, nous n'avons guère perdu le sens la dignité que nous ont légué ceux-là grâce auxquels les valeurs de la Révolution française se sont concrétisées pour la première fois.
LN- Les élections ont été décriées. Est-ce que l'institution électorale est selon-vous au-dessus de tout soupçon ?
GC- Toutes les fois qu'une pareille question m'est posée, j'utilise la même réponse : autant l'accusation de complicité collective est injuste, sans la preuve d'implications individuelles ; autant, nulle plaidoirie collective n'est fondée, sans arguments solides contre les accusations individuelles. Ce qui revient à dire qu'il est fort difficile de dédouaner une équipe dans son intégralité, par simple réflexe solidaire de groupe ou pulsion d'appartenance. N'oubliez pas qu'il s'agit - au niveau de l'organe de décision de l'Institution - de neuf, voire (en ajoutant, au compte, le Directeur Général) de dix personnalités d'origine et d'horizons divers que, moi, par exemple, je n'ai rencontrées qu'au Conseil. Et en période électorale, le personnel peut atteindre plus que 40 000 employés ! Comment, honnêtement, un Membre de l'organisme, pourrait-il, avancer que « l'institution électorale est au-dessus de tout soupçon » ? Cependant, convenons que pour certains griefs avancés contre le CEP, il n'a pas été possible d'arriver jusqu'au bout de la vérité et que, quand bien même, des accusations se justifieraient pour certains, dans le panier à crabes, il existe bien des crabes qui s'accrochent à des fibres...
LN- Que pensez-vous de ceux qui crient à la violation de la souveraineté d'Haïti ? Que pensez-vous aussi de ceux qui disent que cet argument souverainiste ne peut être évoqué puisque c'est le président René Préval qui avait fait appel à l'OEA pour effectuer cette vérification après la publication des résultats contestés du premier tour des législatives et de la présidentielle du 28 novembre 2010 ? GC- Il faudrait que les protagonistes argumentent mieux en quoi il décèle cette violation à la souveraineté d'Haïti. Pour moi, il ne suffit, certes, pas de réfuter cette assertion en arguant que la sollicitation vient de l'Exécutif. Cette justification est insuffisante, car il pourrait s'avérer qu'un Exécutif commette un acte de lèse-souveraineté. Mais dans le cas qui nous concerne, il faut considérer deux paramètres : a) L'historique de la démarche et la chronologie des faits : Le recours fait par le Président de la République pour une expertise de spécialistes de l'OEA participe de la même démarche de transparence initiée par le CEP avec la mise en place d'une instance nationale de vérification. Ladite Commission Spéciale ainsi conçue n'a pas pu être opérationnelle, suite au désistement des acteurs appelés à y participer. Dans ce contexte, le Président de la République, s'appuyant sur l'Art. 136 de la Constitution - comme il l'a fait valoir -, a sollicité la mission d'Observation de l'OEA pour la mise à disposition de professionnels dont la compétence viendrait complémenter celle des Membres de la Commission initiale d'Observation, dans le domaine de la tabulation des votes et de la vérification électorale. b) Le mandat de la mission d'experts Ce n'est ni la première, ni la dernière fois qu'Haïti fera appel à des spécialistes étrangers pour une expertise qu'elle ne possède pas ou pour la non-disponibilité de ses propres experts dans un domaine donné. Faut-il crier à la violation de souveraineté contre toute assistance technique dans ce pays dont l'évasion massive des cadres s'intensifie chaque jour ? Pourquoi cette accusation n'a-t-elle pas été faite, lors des élections de 2005 - période au cours de laquelle a été initiée la modernisation du processus électoral avec les mêmes experts expatriés qui ont apporté leurs services pour la tabulation des votes en novembre dernier ? Leur présence est nécessaire, aujourd'hui encore, simplement par le fait qu'avec le départ du premier cadre haïtien formé dans le domaine et récemment remplacé, le transfert de connaissance ne s'est pas encore effectué. Les circonstances étant ce qu'elles sont, il s'est avéré nécessaire de faire appel à d'autres spécialistes pour une vérification. Mais, contrairement à une désinformation qui a fait son chemin, les experts de l'OEA n'avaient pas à décider des résultats du scrutin du 28 novembre, en se substituant au CEP. Tel que précisé, ci-dessus, leur mandat était bien d'analyser le processus de tabulation selon les normes généralement admises et de là, contribuer à renforcer le niveau de transparence prévu par la loi électorale et préconisé par le CEP. En effet, le rapport peut être rendu public, donc accessible aux acteurs. Par ailleurs, il permettra au CEP d'être édifié sur la qualité du travail produit par le Centre de Tabulation qui est un service de l'institution, susceptible d'évaluation à n'importe quel moment. Enfin, l'avis technique des experts permettra, avec les décisions des organes contentieux, d'arriver - tel est le but de l'exercice - à des résultats qui reflètent, de la manière la plus exacte possible, l'expression du vote de la majorité des électeurs du 28 novembre. Quoi de plus légitime que de nous adresser à un organe hémisphérique dont Haïti compte parmi les membres fondateur ? Quoi de plus courant que de faire valoir des droits découlant de nos contributions financières à cette institution ? Quoi de plus normal que cette contribution de l'OEA aux efforts de notre pays qui a été l'initiateur du panaméricanisme duquel cette organisation tient son essence ? Entre l'arrogance des proconsuls et la menace d'une auto-sanction dont le verdict serait l'aliénation ou l'hypothèque coupable de la souveraineté nationale acquise au prix du sang, Haïti n'aura-t-elle jamais donc droit à la réciprocité des pays qu'elle contribué à construire et à la reconnaissance des peuples pour le patrimoine de valeurs humanitaires et libératrices qu'elle a léguées, grâce à la geste de 1804, à l'histoire universelle ??? Ginette Chérubin, Arch. Membre du CEP |
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