samedi 26 février 2011

Mezanmi o ! De l"écrivain Gary Victor

Haïti: Les élections du 20 mars nous donneront un nouveau président. Dans un contexte d'échec généralisé, de médiocrité et de corruption institutionnalisée par vingt ans de pouvoir lavalassien qui a continué le travail de sape de la société haïtienne déjà entamé par les Duvalier père et fils. Nous sommes dans une société qui a perdu tous ses repères et où les brigands de tous poils peuvent être perçus - par une jeune génération à qui rien n'a été donné en exemple - comme des gens fréquentables et même nécessaires pour donner un coup de pouce à un véritable changement.

On aura un nouveau président, mais avec aussi toute la faune interlope de ces vingt dernières années de mensonges, de rapines, de dénis des institutions et du peuple haïtien. Le peuple haïtien, ce qui était prévisible, même les grands experts de la politique n'ont rien vu venir, a vomi dans son ensemble l'expérience de ces dernières années. Il a gardé cependant sa foi inaltérable en une nouvelle chance possible. Il ne veut rien de près où de loin qui lui rappelle ces politiciens qui se sont contentés d'intrigues d'antichambres, n'ont pas hésité quand il fallait à frétiller de la queue, à ouvrir la gueule pour saisir un os tendu par le prince. Sauf qu'il n'y a jamais vraiment rien eu pour que cet espoir, ce désir se transforme dans les faits en un vaste chantier national pour une reconstruction effective. À chaque fois, dans ces moments, son vote est une expression de rejet, avec l'espoir confus que quelque chose change effectivement.

Dans un tel contexte d'échec, il faudrait que la société sécrète une avant-garde susceptible de proposer des pistes pour de nouvelles pensées, de nouvelles pratiques, d'autres politiques, et surtout que l'imagination se mette au service de la politique. Mais avec cette faune compacte dans ses intérêts et dans ses réflexes prédateurs, qui a toujours démontré une absence totale d'intelligence et de volonté dès qu'il s'agit de penser le bien commun, cette faune dans laquelle se noient souvent les prétendants au fauteuil présidentiel, il y a de quoi être sceptique pour l'avenir.

L'un ou l'autre de ces candidats aurait-il la capacité de se dégager de l'emprise de cette faune pour, en toute indépendance et avec l'appui des parties saines de la nation et des vrais amis étrangers d'Haïti, repenser la gouvernance et en faire un instrument pour le bien commun ?

Qu'arrivera-t-il si le nouveau président reprend le sempiternel jeu du pouvoir pour le pouvoir, méprise les institutions, continue la vassalisation de la force publique, maintient le pouvoir judiciaire dans sa décrépitude plus que centenaire pour gouverner en toute quiétude, la loi n'existant que pour et par les propres intérêts du groupe au pouvoir ?

Le nouveau président va-t-il continuer à se servir de voyous armés pour avoir le contrôle absolu de sa politique ? Va-t-il magouiller en retrait pour que les institutions proposent des individus louches au CEP pour que le pouvoir puisse contrôler les prochaines élections ?

Va-t-il mettre des hommes à lui à la tête d'entreprises publiques non pas pour les rendre performantes et donner un meilleur service à la population, mais uniquement pour ramasser de fabuleux dividendes ?

Va-t-il faire en sorte qu'une équipe nationale ne soit pas humiliée à l'étranger en exigeant enfin qu'ici, sur le sol national, on accepte de se courber aux normes et aux procédures qu'on suit dans tous autres les pays ?

Bref, cesserons-nous de brasser ces idées de malades mentaux comme quoi nous serions uniques - vive la différence — et que les autres devraient nous accepter comme nous sommes, avec notre boue et notre mépris de l'humain ?

Ma mère, qui philosophe à ses heures, après avoir écouté stoïquement un reportage sur une station de radio, a eu à me rappeler ce proverbe qui m'a donné froid au dos : « Ou mèt mete vès sou yon bourik, kravat nan kou l, depi midi, l ap anni kanmèm »

Mezanmi o !
 
gary Victor


 
 

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