samedi 11 décembre 2010

Haïti Des résultats contestés dans la violence



Haïti
Des résultats contestés dans la violence

Mise à jour le jeudi 9 décembre 2010 à 12 h 44

Des colonnes de fumée noire s'élevaient à Port-au-Prince, après que des pneus eurent été incendiés.
Photo: La Presse Canadienne /Hector Retamal
Des colonnes de fumée noire s'élevaient à Port-au-Prince, après que des pneus eurent été incendiés.
Haïti a été secoué par de violentes protestations dans plusieurs villes du pays, où au moins quatre personnes ont été tuées mercredi et plusieurs autres blessées, au lendemain de l'annonce des résultats préliminaires du premier tour de la présidentielle.
Les résultats sont notamment contestés par les partisans de Michel Martelly, écarté du second tour et que moins de 1 % des voix séparent du candidat du pouvoir en place, Jude Célestin, arrivé deuxième, selon les résultats officiels.
Un cortège de plusieurs milliers de manifestants a fait le tour de Port-au-Prince pour ensuite se rassembler devant le siège du Conseil électoral intérimaire (CEP) dans la banlieue de Pétionville. Plusieurs protestataires brandissaient des affiches du candidat déchu, le populaire chanteur surnommé Sweet Mickey.
« Si Michel Martelly n'est pas président, on va mettre le pays à feu et à sang », criait un manifestant.
La veille, le CEP a annoncé que la favorite dans les sondages, l'ancienne sénatrice Mirlande Manigat, avait terminé première, devant Jude Célestin, candidat d'Inité, avec 31,37 % des voix, contre 22,48 %. Michel Martelly suit de près, avec 21,84 % des voix.
La foule en colère a en outre incendié le quartier général du parti au pouvoir, accusé d'avoir truqué les résultats au profit de Jude Célestin, protégé et futur gendre du président René Préval, selon l'agence Reuters.
Devant les grilles du palais présidentiel, des groupes de jeunes accusaient le président sortant, René Préval de chercher à s'accrocher au pouvoir. « Accepter Jude Célestin comme président, ce serait donner un troisième mandat à Préval », faisait valoir une Haïtienne.
D'autres locaux du parti ont également été saccagés. Les écoles et les commerces sont restés fermés, et plusieurs habitants sont restés chez eux par crainte de violences.
Des partisans de Michel Martelly ont exprimé leurs frustrations.
Photo: AFP/Hector Retamal
À Port-au-Prince, des partisans de Michel Martelly ont exprimé leurs frustrations.
Dans la ville des Cayes, au sud de Port-au-Prince, trois jeunes manifestants ont été abattus, dont l'un par un Casque bleu devant un bureau électoral incendié, selon un ex-élu. Deux autres personnes ont été tuées dans le centre-ville, où plusieurs édifices publics ont aussi été brûlés.
Un jeune manifestant a été tué par balle à Cap-Haïtien, au nord de la capitale, au cours d'affrontements entre les partisans de Jude Célestin et de Michel Martelly.
Dans le centre du pays, à Mirebalais, trois manifestants ont été blessés par balle, selon des médias locaux.
Alors que ses partisans manifestent dans tout le pays, Michel Martelly a dénoncé à la radio des résultats « incorrects », tout en rejetant la « violence ».

Liaisons annulées

Tous les aéroports du pays, dont l'aéroport international de Port-au-Prince, ont été fermés en raison des manifestations. American Airlines, le principal transporteur international d'Haïti, a annulé tous ses vols pour mercredi et jeudi.

La compagnie canadienne Air Transat, qui assure une liaison hebdomadaire, a pour sa part suspendu « pour des raisons de sécurité » un vol devant partir de Montréal mercredi matin et le vol de retour prévu en après-midi.
Préval tente de calmer le jeu
De plus en plus contesté, le président Préval a lancé un appel au calme. « Manifestez, c'est votre droit, mais ne vous attaquez pas aux édifices publics, aux commerces et aux biens privés des gens », a-t-il déclaré sur les ondes de la Radio nationale d'Haïti, rappelant que les résultats des élections n'étaient pas définitifs.
« Les résultats peuvent être contestés devant le contentieux électoral comme le prévoit la loi, mais pas dans les manifestations de rue, ce n'est pas cela la démocratie », a dit M. Préval.
Selon le journaliste Clarens Renois, sur place à Port-au-Prince, le calme était revenu en soirée dans la capitale haïtienne, même si les dégâts laissés par les saccages étaient bien visibles.
La communauté internationale préoccupée par des « irrégularités »
Plusieurs pays ont mis en doute les résultats électoraux annoncés mardi.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, s'est déclarée « profondément inquiète » en raison des « informations faisant état de multiples irrégularités » constatées lors du premier tour. Elle a également déploré « des différences significatives entre les projections [...] et les résultats préliminaires publiés ».
Avant la divulgation des résultats par le CEP, un rapport du Conseil national d'observation électorale, basé sur des données colligées par plus de 5500 observateurs, accordait plus de voix à Michel Martelly qu'à Jude Célestin.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, s'est lui aussi dit « préoccupé par les allégations de fraude ». Faisant valoir que les « résultats ne sont pas définitifs », il a invité les candidats à « épuiser toutes les procédures légales ».
L'ambassade américaine en Haïti a elle aussi fait valoir que les résultats étaient « incohérents ».
En raison des irrégularités qui entachent le processus électoral en Haïti, il pourrait être difficile pour le Canada de reconnaître le résultat des présidentielles si rien n'est fait à ce titre, a de son côté indiqué le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.
Le ministre a par ailleurs affirmé que « le Canada est inquiet des événements qui se produisent depuis la divulgation des résultats provisoires ». Il a exhorté « tous les acteurs de la scène politique à remédier aux irrégularités, conformément à la loi électorale haïtienne et à « mettre la paix et les intérêts de la population au premier plan ».
Le chef de l'opposition officielle libérale à Ottawa, Michael Ignatieff, a affirmé qu'il était maintenant nécessaire d'assurer une forte présence canadienne pour la surveillance du deuxième tour de scrutin en Haïti.
Radio-Canada.ca avec
Agence France Presse, Presse canadienne et Reuters

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