mercredi 29 décembre 2010

Une crise électorale sans précédent


Haïti: Selon toute évidence, pour les festivités de Noël et du Nouvel An, une trêve politique sera observée, mais hélas pas avec le choléra qui poursuit son oeuvre destructrice jusque dans nos prisons.

Dans nos innombrables camps de sinistrés, la gêne, la honte, la crasse, à la place des jouets, des cadeaux et des réveillons, s'étaleront dans toute leur « splendeur ». Et après ?
Après la trêve de Noël, la politique reprendra sa place, bruyante, écrasante, incendiaire. L'agenda politico-électoral pour le début de l'année 2011 est vraiment effrayant. Combinaison politico-électorale sous la houlette des Blancs ? Table rase ? En est-on absolument conscient ? De toute façon, on ne peut pas dire le contraire.

Les acteurs politiques, divisés sur la façon de résoudre la crise électorale, n'insistent pas assez sur les tenants et aboutissants des différentes «solutions» proposées ou envisagées. Quelle que soit la solution que l'on avance, on débouche en fin de compte sur l'organisation d'élections : la finalité de tout pouvoir, provisoire ou constitutionnel, c'est la légitimité démocratique à travers le vote populaire. Il n'y a pas à en sortir de là.

En résumé, hier comme aujourd'hui et peut-être demain, les réflexions constructives, les remèdes à la crise électorale, les mesures préventives nous renvoient au coeur de plusieurs problèmes d'organisation et de société les uns plus récurrents que les autres. Tout d'abord, il y a la machine électorale proprement dite. Depuis plus de vingt ans, l'absence d'un Conseil Electoral Permanent, expression d'une instabilité chronique, traduit l'échec de tout le processus de démocratisation. Comment alors arriver à planifier et à organiser des compétitions électorales sérieuses ? La création d'un Conseil Electoral Permanent, gage de stabilité institutionnelle, est certainement nécessaire si l'on veut éviter les crises électorales à répétition.

Ensuite, il y a aussi la lancinante problématique des partis politiques (faibles ou bidon) alimentée par la multiplicité des particules, des organisations politiques, des regroupements politiques ou plateformes et des candidats (à la présidence). La société civile et le secteur des affaires n'ont pas joué avec succès leur partition afin de participer à la modernisation de notre vie politique. Ce qui explique, à chaque fois, la pollution du processus électoral dont la cacophonie, les scandales, les vices juridiques et procéduraux exaspèrent et désenchantent les électeurs. On n'assiste pas alors à des débats d'idées enrichissants mais, de préférence, à un spectacle navrant opposant une série de candidats sans convictions, ni programmes.

Entachées d'irrégularités ou contestées, les élections de 1988 comme celles de 2006 ne sont pas différentes de celles de 1995 ou de 2000. La nécessité de déboucher sur l'émergence de cinq ou quatre grands partis politiques idéologiquement cohérents est consubstantielle à la consolidation du processus de transition démocratique. Il en va de même du fonctionnement ordonné du système parlementaire comme balançoire de la démocratie libérale.

Enfin, la question du pouvoir provisoire ou « démocratiquement élu» (c'est le cas aujourd'hui) qui préconise la continuité. Ça a marché en 1995 (avec Jean Bertrand Aristide) et en 2000 (avec René Préval). Dans des conditions politiques plus ou moins identiques (une opposition affaiblie et discréditée, une machine électorale sur mesure, une communauté internationale complaisante pour ne pas dire complice, un pouvoir populaire mobilisateur). Et en 2010 ? Le terrible séisme du 12 janvier, avec ses retombées catastrophiques, a tout changé. Epouvantablement, on a conséquemment un président sortant (un René Préval cette fois tiraillé) et une classe politique aguerrie. On a une crise électorale sans précédent. On est dans un sale merdier.
 
   
  
 Pierre Raymond Dumas

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