04/02/2011 19:23:41
Depuis la décision de la Plateforme INITE déclarant le retrait de son candidat Jude Célestin, ce dernier nous avait habitué au silence... Dans les réactions qui ont suivi la publication des résultats définitifs du premier tour des élection du 28 novembre, le candidat avait encore gardé le silence... Le silence est maintenant rompu, Jude Célestin dans une longue déclaration écrite s’explique et règle ses comptes... Nous reproduisons l’intégralité de cette déclaration :
PEUPLE HAITIEN,
Finalement les résultats tant attendus sont proclamés par notre CEP qui aura désormais toutes les peines du monde à se dire indépendant, parce que son esquif, ballotté par la tempête des pressions, semble s’être enfin enlisé dans les sables de la vassalité et du reniement de soi. Malheureusement nous ne sommes pas sorti tout à fait indemne de la traversée tumultueuse, car nous porterons encore longtemps les atteintes faites à notre bonne foi et à notre prestige. Et même si les blessures se ferment, les cicatrices demeurent et rien que d’y toucher réveillera la douleur, pour maintenir le souvenir des drames, des tractations souterraines et des trahisons qui ont marqué cette période électorale.
En tout cas, je m’adresse à vous du haut de ma verticalité inviolée, drapé dans mon honneur et dans la carapace de mes principes et de mes convictions profondes et inentamées.
Mes chers amis,
C’est mu par un élan patriotique et dans le souci sincère de changer les choses que je me suis engagé dans la course présidentielle, en ce pays dévasté qui attend d’être reconstruit, au bénéfice de ce peuple qui se lamente depuis trop longtemps de l’indifférence de ses dirigeants, comme du mépris de ses élites. J’ai abordé la campagne, porteur d’une vision grandiose, neuve et fraiche pour la République nouvelle que notre génération a pour devoir de construire, une vision définie dans dix grandes orientations de mon programme de gouvernement. Et si j’ai prôné la continuité, en ciblant - en revendiquant –le patrimoine des cycles du passé, c’est parce que, en tant qu’ex-directeur général du CNE ou Centre National des Équipements, je ne pouvais faire l’impasse sur mon propre bilan, concrétisé sous la forme des 2000 kilomètres de routes que nous avons construites ou réhabilitées et par l’action prompte et salvatrice de cet organisme dans les lendemains douloureux et endeuillés du séisme du 12 janvier 2010.
Sur les ailes de cette vision et de ce bilan quelque peu personnel, visible dans toutes les provinces du pays, j’ai parcouru les campagnes ; j’ai mené une campagne expansive et exubérante, allègre et colorée, irradiée du sourire et de la dévotion de mes partisans, une campagne à ce point impressionnante par la ferveur et le nombre, que nombre de représentations étrangères, étonnées ou subjuguées, ont fait chercher auprès de plusieurs stations de l’audio-visuel les cassettes authentifiées de nos rassemblements monstres et à nul autre pareils. Nous avons surtout mené une campagne saine : jamais nous n’avons attaqué nos rivaux, assuré que nos concurrents de ce jour deviendront indubitablement nos collaborateurs ou associés de demain dans la nécessaire et solidaire kombite du relèvement national. Nous avons prêché la paix, la discipline, la bonne considération de l’autre et de l’opinion contraire, le respect des affiches de l’adversaire et des biens privés. En dépit de nos frustrations et de vos impatiences, vous avez observé le calme et la sérénité, ainsi que le culte de la loi et des règles du jeu démocratique. Car pour éviter de subir la loi du plus fort, nous avons choisi de donner force à la loi. Paradoxalement ce choix ne nous a pas porté bonheur, nous continuerons néanmoins à privilégier cette option, tant il est vrai que la défaite du droit est toujours éphémère.
Nous nous félicitons d’avoir convenablement accompli notre tâche et rempli nos devoirs envers nos partisans et sympathisants, comme envers nous-même en cultivant au plus haut exposant le sens de la responsabilité citoyenne et les vertus de l’excellence en toutes choses. Vous et moi, nous sommes absolument convaincus d’avoir bousculé les panneaux branlants des sondages truqués et manipulés et remporté haut la main les joutes de ce 28 novembre, abandonnées d’ailleurs dès midi par nos adversaires effrayés de l’immensité de notre vague conquérante. D’ailleurs, un comptage objectif et impartial a confirmé notre victoire limpide, annoncée et répercutée à travers le monde par l’une des plus respectables chaînes de la presse américaine.
Dès lors, les officines souterraines et les forums se sont mis au travail de sape pour crucifier Jésus-Christ (J.C.) et glorifier Barabas. Puisque, à partir de midi il ne restait à voter que nos partisans fidèles, nos adversaires déboutés n’eurent d’autre alternative que de réclamer l’annulation. Mais bientôt les deux grands ténors de l’annulation ont ravalé leur morgue sous la promesse de quelque potentat d’ici et/ou d’ailleurs que tout allait être fait pour les maintenir dans la course, au prix de la diabolisation et de la mise à mort politique du gagnant. Et la machine se mit en marche pour broyer la vérité des urnes, en rejetant tous les procès-verbaux où JC comptait plus de 300 voix puisque nos concurrents pas assez populaires - ou absents - ne dépassaient pas le cap des 150. Ainsi mit-on de côté– en quarantaine - environ 3000 procès-verbaux dont 90% étaient à notre avantage ; ne pouvant malgré tout nous sortir, 1045 PV gagnants de JC disparaissent comme par enchantement dans le centre de fabulation. Injustice, iniquité, hypocrisie, imposture, il n’y a pas de mot dans le vocabulaire de l’immoralité pour qualifier une telle attitude. A force d’élucubrations et de gymnastique sur la crête de chiffres, on nous ravala en deuxième position, juste au niveau du pourcentage de leur sondage commandité. Nous ne protestâmes même pas.
Et notre poursuivant immédiat, qui n’avait jamais dépassé les 14 % dans leurs sondages, prit prétexte de sa brusque remontée – artificielle ou réelle – pour forcer le destin, en cela encouragé par certaines délégations ou liaisons particulières, et jeta dans les rues de Port au Prince et de Pétion-Ville-Delmas des hordes agressives qui saccagèrent tout sur leur passage, durant trois journées dont le fait dominant est l’absence remarquée – et certainement délibérée – des chars, des soldats et policiers de la MINUSTAH.
Nous voilà ainsi revenu au temps des baïonnettes ; nous croyions honnêtement en avoir fini avec ce passé, mais ce passé n’en avait pas fini avec nous ; il ressurgit dans toute sa splendeur macabre sous la dictée ou dans la complicité à peine discrète de nos tuteurs, de nos pédagogues de la stabilisation démocratique. Ainsi l’haïtien a renoué avec cette pratique de vouloir prendre le pouvoir par les armes et la violence. Et la violence vient de recevoir la suprême récompense. Cela nous remet en mémoire le massacre odieux de la ruelle Vaillant du 29 novembre 1987, le vandalisme meurtrier du 7 décembre 2010 : quelle similitude dans le tragique des images, quelle analogie dans le profil des acteurs, quelle constance dans le statut des commanditaires, quelles retrouvailles dans l’identité des bénéficiaires !
Dans cette confusion savamment créée et entretenue, le gouvernement, tombant grossièrement dans le piège des sourires et des empressements diplomatiques, sollicita l’assistance technique de ses fossoyeurs. Et les experts accoururent, amenant dans leur sacoche deux pages de rapport déjà rédigées par une commission informelle et confidentielle qui avait visité les procès-verbaux et identifié lesquels pouvaient nous éreinter. Il ne s’agissait maintenant que d’habiller le rapport à venir, de l’asseoir sur une méthodologie prétendument scientifique – d’ailleurs restée abracadabrante – et sur des considérants tout à fait incongrus et incohérents. Des experts haïtiens ont d’ailleurs démontré le parti pris écœurant dans le choix des P.V. et l’absurdité des conclusions et des recommandations. Mais, ils sont de trop près, ils sont de chez nous ; pour être reconnu expert il faut venir de loin.
Qu’à cela ne tienne : malgré la faiblesse patente du travail des ‘’experts’’ de l’OEA et la machination de la fuite programmée, une large fraction de l’International tient mordicus à ce rapport et en impose l’application au CEP, au gouvernement, à notre plateforme INITE, ramollie en la circonstance par la révocation intempestive des visas des membres de son directoire et la menace d’autres sanctions plus pointues. Ainsi sommes-nous arrivés, en cette première semaine de février, en ce jour de la Chandeleur, ce jour de la lumière et de la vérité, à ces résultats mensongers, tirés par les cheveux, que notre CEP indépendant a infligés, oui, infligés à la conscience nationale pervertie par les pressions internationales, comme une gifle assenée à la moralité publique, infligée à notre peuple vigoureusement éperonné pourtant au souvenir de ses gloires passées et qui se réveille à un nationalisme que l’on croyait perdu.
Peuple haïtien,
Même face à des résultats aussi tronqués, j’assume ma nature profonde, empreinte de civilité, trempée au respect de l’autre et au creuset de la courtoisie et de la magnanimité. Elle m’incline à présenter des félicitations aux vainqueurs de ces joutes et même à ceux qui ont bénéficié de la faveur des consuls. De quelles allégeances et concessions inavouées n’a-t-on pas payé cette sollicitude galopante, entêtée et dévastatrice ! Ne faut-il pas s’attendre à boire jusqu’à la lie la coupe empoisonnée des injonctions et des humiliations !
Je plains nos dialecticiens de la gauche fatiguée comme les inaltérables rhéteurs de la droite conservatrice et de la société civile trop vite et trop bien alignée ; je plains les ténors de l’intelligentsia annuellement emballée sur la route de l’esclave comme partant à la recherche de quelques résidus de la dignité haïtienne ; je plains la masse aujourd’hui clairsemée de nos leaders qui se sont tus, en enfouissant profondément leur drapeau dans leur poche. Pourtant je me réjouis et me console au constat qu’il reste sur cette terre quelques échantillons de cette race superbe, encore capable de dire NON a l’indignité et d’indiquer aux occupants les limites de l’inacceptable et le point à partir duquel même un frère ou un père nourricier peut aller trop loin dans l’avilissement de l’obligé : Haïti leur en tiendra reconnaissance éternelle.
Je plains certains de mes coreligionnaires de la plateforme INITE qui, comme les fils du patriarche Jacob, ont vendu leur frère Joseph, sans l’intuition que ce dernier pouvait –- allait– devenir ministre du pharaon d’Egypte. Dans leur hâte de me livrer afin d’apaiser les impatiences des orfèvres probablement détenteurs de quelque pièce de leur coffret à bijoux, ils ne se sont pas donné le temps de relire la loi électorale qui ne reconnaît pas à un parti le droit de « désister » son candidat, ni à celui-ci d’outrepasser le délai prescrit (article 104). Il m’est bien douloureux de voir mes pairs se couvrir la face pour lécher le sang immonde qui coule de la blessure de la honte et de devoir les consoler en sollicitant pour eux l’absolution nationale et en leur jetant mon propre pardon, pour la seule raison qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Ce qu’ils faisaient d’abord à eux-mêmes, car en regardant dans la même direction d’infamie que nos détracteurs, ils se sont tourné le dos à eux-mêmes. A moi, ils n’ont fait que du bien, m’ayant permis de découvrir tout de suite quelques spécimens de cette race qui savent si vigoureusement agité l’encensoir devant nous dans l’objectif, devenu aujourd’hui évident, de nous saouler et de nous étouffer. Je sais qu’il est vain de parler de dignité nationale à qui n’a qu’une notion approximative de sa dignité personnelle. Hélas ! Les compromissions et la crainte éteignent l’honneur comme le vent souffle sur une bougie. L’Unité (INITE) se dissout quand toute grandeur s’effondre ; elle se dilue dans la poussière des capitulations et des reniements. La quête forcenée du pouvoir en dehors de son propre camp oblige parfois à des collusions bien indignes.
Mais mon amertume fond devant la certitude qu’il existe encore dans les rangs de mon parti des citoyens et citoyennes verticaux, constants dans leurs convictions et leur idéologie, respectueux des principes et des liens de fraternité infrangibles entre les supporteurs d’une même et noble cause. Elle s’efface même, quand je me persuade que certains combats et attaques laissent les prétendus vainqueurs plus embarrassés que ceux que l’on croit vaincus. C’est fort de cela que je formule mes vœux les plus fervents de succès à l’endroit des candidats au sénat et a la députation de la plateforme INITE qui vont affronter la lice du second tour. Je leur souhaite du courage, de la lucidité, de la vigilance pour que personne ne puisse leur voler leur popularité et leur victoire. Je suis à leurs côtés et il n’est rien que ne sois prêt à faire pour les aider et les accompagner sur la route du triomphe.
Hommes et Femmes de l’Haïti du prestige et de la fierté,
Jeunesse saine de mon pays,
Je m’adresse à vous des confins de l’indignation et de la colère, tant me révolte l’attitude de ceux-là, d’ici et d’ailleurs, qui ont acquis un tel aplomb dans la pratique de la machination, de l’hypocrisie et de la trahison. J’adresse le salut fraternel et patriotique à tous ceux, populations des villes et des sections communales, candidats au sénat et à la députation de la plateforme INITE, tous les candidats législatifs de partis frères qui ont supporté ma candidature, les « Amis de Jude », qui m’ont soutenu et accompagné durant les rudes journées de la campagne électorale, qui n’ont pas failli ni défailli durant les moments de transe et d’angoisse où des vaincus ont fait parler la poudre (aux Cayes) et la violence ( à P au P et à Pétion-Ville-Delmas). N’accordez aucune confiance ni aucun écho aux fanfaronnades des uns et des autres : le vote d’un peuple ne s’exprime que dans l’urne, pas au micro des manipulateurs de l’opinion. Retenez pour l’histoire et pour la vérité que ce sont ceux qui ont dépecé les procès-verbaux et ordonné à leurs sbires du centre de tabulation/fabulation d’opérer des sélections au détriment d’un candidat pour faciliter un autre, ce sont ceux-là qui ont falsifié ou volé le vote du peuple. Ce sont eux, les véritables fraudeurs. Qu’il est aisé d’accuser l’autre de fautes qu’on a commises soi-même : la raison du plus fort est toujours la meilleure. Il est clair pour tout le monde que les résultats ne reflètent pas la tendance du vote : comment comprendre la mise a l’écart du candidat a la présidence de INITE alors que tous les candidats législatifs de la plate-forme, lesquels ont mené avec lui campagne commune et conjointe, ont largement gagné dans tous les départements, dans toutes les circonscriptions du pays, comment comprendre cette insistance pour que le second désiste alors que ne coiffant pas la liste il a peu de chance de gagner, on le dit même impopulaire : tout cela est tout a fait illogique même pour les pupilles de l’école maternelle. Ne laissez personne, si puissant soit-il, vous donner mauvaise conscience ni mettre en cause votre honnêteté pour couvrir des forfaits concoctés dans le secret de leur officine ou de leur forum.
Nous adressons un remerciement spécial à nos sponsors, nos supporteurs financiers, à nos photographes bénévoles qui ont parcouru avec nous les chemins de cette victoire qu’on nous a volée. Nos sympathies et notre gratitude vont à ceux qui ont mis gratuitement à notre disposition leurs maisons qui ont été vandalisées et incendiées, a nos amis qui ont perdu leurs magasins, leurs stations de radio, leur établissement scolaire, leur centre cybernétique. Sans vous, nous n’aurions pas pu offrir à la communauté haïtienne une campagne si colorée, au gout des gens qui savent apprécier la beauté et l’excellence. Ne soyez pas déçus : vous avez misé du bon côté.
Au moment de fermer ce chapitre pathétique d’une vie commune, alimentée à la flamme de nos convictions et de nos aspirations au mieux-être pour notre peuple, je vous dis à tous un profond et sincère merci pour votre attachement et votre fidélité. Je vous remercie pour votre constance, votre sens de la discipline et de l’appartenance. Je vous remercie d’avoir obéi à mes mots d’ordre de rejeter toute forme de violence, de ne pas sortir dans les rues, on vous y attendait probablement pour vous infiltrer et vous piéger. On nous a dit impopulaire parce que nous avons pas lâché nos phalanges dans les rues pour, comme d’autres, saccager les magasins, piller les commerces petits et grands, incendier les résidences paisibles, casser les voitures : la population haïtienne nous en sait gré. Je garderai toujours en mémoire vos récentes et chaleureuses protestations de soutien, au moment même où la hiérarchie de notre parti m’immolait sur l’autel d’intérêts particuliers inavoués. Je suis presque heureux que l’occasion m’ait été offerte de vous prouver que, quel que soit le prix à payer, je n’abandonnerai jamais ceux qui ont mis leur confiance en moi et qui ont livré à mes côtés le bon combat pour la victoire d’une noble cause. Et surtout que je ne suis pas fait de cette pâte malléable qui prend la courbure de la main qui la pétrit et qu’il est des valeurs suprêmes que je ne saurais vendre pour des plats de lentilles : l’honneur et la fierté d’un homme vertical, rivé aux principes. Je n’étais pas prêt à ramasser le sceptre présidentiel dans la gadoue et la boue et courir le risque d’y laisser mon orgueil et mon prestige.
Je sais que vous souffrez de ces résultats, synonymes en quelque sorte de prime à la violence. Ne vous abimez pas dans la mélancolie du vaincu ou du sacrifié : vous êtes de la race des conquérants. Notre triomphe viendra tard, mais il viendra quand même. Regardez vers le soleil, le front haut, l’âme altière et préparez-vous pour les batailles futures où la victime sera réhabilitée et le juste glorifié. Courage, fils et filles de Dessalines : la nuit la plus noire annonce l’aurore radieuse.
Un militant ne perd jamais la guerre ; il perd des batailles, mais s’il garde ses convictions, elles en sortent enrichies et renforcées.
Ayitipap peri
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